L’Institut Gomel
En 1990, Youri Bandajevsky, jeune médecin biélorusse de 33 ans et docteur ès sciences, anatomo-pathologiste, est nommé recteur de l’Institut de Médecine de Gomel avec une double mission : faire de la recherche et former des médecins.
Gomel est à 180 kms de Tchernobyl, en zone fortement contaminée et Youri Bandajevsky le sait. Depuis 1988, il a déposé plusieurs projets auprès de l’Académie des Sciences et du ministère de la Santé pour étudier les effets de la radioactivité sur les systèmes et organes vitaux, notamment dans la formation de l’embryon. Gomel est donc un lieu où sa double passion de médecin voulant venir en aide aux populations touchées par la contamination et de chercheur voulant en comprendre les mécanismes, va pouvoir s’exprimer.
Pendant 9 ans, l’Institut médical de Gomel va faire un travail remarqué et Youri Bandajevsky, avec ses 240 publications, reçoit, au niveau international, cinq prix et médailles pour ses découvertes.
Sa découverte principale
Sa découverte principale, Youri Bandajevsky la fait avec sa femme Galina, pédiatre et cardiologue, en mettant en évidence une corrélation quantifiable entre le taux de radioactivité dont un enfant est porteur et la pathologie cardiaque qu’il développe.
Cette radioactivité qu’il étudie n’est pas celle, reconnue, de l’iode 131 qui provoque troubles et cancers de la thyroïde. C’est celle du Césium 137 que les populations ingèrent à petites doses, au quotidien, dans les produits sauvages, mais aussi dans les produits cultivés, dans le lait, la viande, le poisson etc. C’est l’influence, sur l’organisme vivant, de ces faibles doses de radioactivité incorporées qui est une donnée scientifique nouvelle.
Publication des résultats de sa recherche
Le Professeur Youri Bandajevsky décide de ne pas garder ces résultats pour la communauté réduite des scientifiques. Dans la mesure où elle concerne autant les habitants des zones contaminées – qui ont à prendre des précautions quotidiennes – que les politiques qui ont à prendre des décisions, il la rend publique. C’est tout naturellement, dans sa logique de chercheur au service de la vérité qu’il fait cette publication, ce sans la moindre provocation. Galina, sa femme pressent d’emblée, dans cet acte, un danger pour lui et sa famille.
Dans un premier temps, tout le monde semble l’applaudir. En 1999, le Parlement lui demande même, comme à un scientifique de référence, d’évaluer la politique de la Santé et l’usage des fonds qui ont été versés en 1998 pour venir en aide aux populations touchées par l’accident de Tchernobyl. Dans son rapport, Youri Bandajevsky dit : « seuls, 5% des fonds ont été utilisés à bon escient compte tenu de la situation sanitaire biélorusse ». Sans doute se fait-il là beaucoup d’ennemis…
Son emprisonnement et le procès
Le 13 juillet 1999, 15 policiers font une descente de nuit chez Youri Bandajevsky, fouillent sa maison de fond en comble ainsi que son laboratoire, s’emparent de son ordinateur, de ses livres, de ses archives, et l’emmènent sous le coup d’un « décret présidentiel contre le terrorisme ».
Il reste 6 mois en prison préventive. Il en sort le 27 décembre 1999 grâce à la pression internationale. Il apprend qu’en fait de terrorisme, il est accusé d’avoir reçu des pots-de-vin pour l’admission d’étudiants dans son Institut. On ne trouvera aucune preuve matérielle de cette accusation. Celui qui l’a chargé, le vice-président de l’Institut de Gomel, lui-même inculpé, se rétracte avant et au cours du procès, disant qu’il a agi sous la contrainte. Rien n’y fait.
Le 18 Juin 2001, dans un procès où les observateurs de l’OSCE et Amnesty International ont pu dénoncer au moins 8 infractions au code en vigueur en Biélorussie, il est condamné à 8 ans de prison. Le scientifique, comme l’homme, ne comprend pas ce qui lui arrive. La tête dans ses recherches, il n’a manifestement pas eu conscience des forces politiques et économiques qu’il affrontait en révélant sa découverte.
Il restera emprisonné pendant 6 ans. Il vit aujourd’hui en Ukraine où il travaille à la création d’un Centre Ecologie et Santé ainsi qu’à la mise sur pied d’un syndicat des victimes du nucléaire.
Sa femme Galina demeure au Bélarus où elle exerce toujours en temps que cardiologue mais en subissant, ses 2 filles y compris, un harcèlement continuel.
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